Aux yeux de ses contemporains, Gassendi apparaît comme un penseur de premier ordre. Mais, même si son œuvre n’exprime pas une pensée originale, l’ensemble de ses écrits témoigne de son érudition et de son caractère critique.
Gassendi combat l’irrationnel et affirme que l’homme doit user librement de sa raison. En donnant confiance à la raison dans les limites imparties à sa puissance et à ses capacités, Gassendi croit à la possibilité de remplacer une lecture théologique du monde par une lecture scientifique. Ainsi, son activité érudite est toujours subordonnée à un objectif strictement philosophique, dont le but est d’affranchir l’esprit de toutes formes de dogmatisme, que seule la connaissance peut critiquer sur des bases légitimes.
Gassendi est d’abord connu pour son opposition à Aristote et à la philosophie scolastique, contre lesquels il publie en 1624 Exercitationes paradoxicæ. Cet ouvrage s’insère dans une tradition humaniste et renaissante d’anti-aristotélisme. Gassendi remet en cause les autorités, l’interprétation a priori et la tradition immédiate. Il leur substitue les preuves expérimentales. Son opposition à Aristote et à son dogmatisme doit aussi être mise en perspective avec son combat contre les courants ésotériques et théosophiques, et contre le dogmatisme occultiste.
L’aspect critique de Gassendi se retrouve aussi dans l’examen qu’il fait des Méditations métaphysiques de Descartes. De 1641 à 1642, à Paris, il se retrouve pris dans une polémique l’opposant au philosophe. En 1644, il publie un ouvrage intitulé Disquisitio metaphysica qui rassemble les textes anticartésiens écrits pendant cette période.
Gassendi critique la méthode cartésienne (son dogmatisme, l’arbitraire de ses démarches, sa prétention à atteindre des vérités par la pensée pure), le cogito (la connaissance de l’âme par elle-même comme essence et substance) et la critique des preuves de l’existence de Dieu (Gassendi conteste la positivité de l’idée d’infini).
Toutes les orientations de Gassendi se retrouvent pour l’essentiel dans le projet qu’il mène pour réhabiliter Epicure et la philosophie du Jardin, et qui donne lieu à trois publications :
De vita et moribus Epicuri (1647),
Animadversiones in decimum librum Diogenis Laertii (1649) et le
Syntagma philosophicum (1658, Opera omnia, Tome III).
Gassendi reformule la logique d’Épicure pour qu’elle serve de fondement à la nouvelle science et à ses méthodes empiriques. La réhabilitation morale du philosophe lui permet de dépasser la contradiction apparente entre christianisme et épicurisme. Ainsi, il crée son propre système philosophique, qui articule logique, éthique et atomisme épicuriens avec la doctrine de la création du monde par Dieu, de la Providence, de l’incorporéité et de l’immortalité de l’âme. Faisant de l’éthique la question centrale de la philosophie, Gassendi pose le plaisir comme finalité de l’homme et la philosophie comme un exercice vers une vie plus heureuse.